Voilà une semaine que la 15ème édition de la mythique Transat Jacques Vabre s’est achevée sur les pontons du port de Fort-de-France, en Martinique.

Sur ces fameux pontons, la fatigue marque les visages des marins tout comme les multiples émotions par lesquelles ils sont passés pendant ces quelques semaines de mer. Ils voudraient maintenant tout raconter de ce qu’ils ont vu, entendu, appris, mais difficile pour les terriens de saisir parfaitement ce qu’ils ont vécu. Un décalage que les équipes de communication qui suivent la course au plus près et de manière presqu’aussi intense que les marins tentent d’amoindrir par plusieurs moyens.

Photo by Jean-Marie Liot/Alea

Pendant près de six mois, tous les acteurs de l’organisation de la Transat Jacques Vabre se sont réunis chaque semaine pour réfléchir à la meilleure manière de faire vivre cet évènement de course au large à la large communauté qui suit les marins, pourtant si loin des côtes et du quotidien. Une bonne quantité de contenus fût produite, entre vidéos, photos et articles, pour nourrir toutes les interrogations en amont de la course.

Nous voilà maintenant dans le fameux PC course de la Transat Jacques Vabre, au bord du Bassin Paul Vatine dans le port du Havre. À quelques jours du départ, l’immense salle habilitée pour l’équipe d’organisation de la course se remplit petit à petit. Les mines de chacun sont encore fraîches et les esprits impatients du grand jour qui verra les 79 bateaux s’élancer sur cette traversée vers la Martinique. Au beau milieu, c’est l’« usine à contenus » : une salle coupée de la lumière du jour pour le traitement des images, quelques tables, le « paper board de Stefano Bernabino » et des ordinateurs qui chauffent pleins tubes déjà tôt le matin. Les briefings s’enchaînent entre les 5 photographes, les 4 community managers, le réalisateur, la script…peu de monde finalement pour raconter l’histoire des 158 marins qui vont braver l’Atlantique en duos !

Alors, le jour du départ, la course a déjà bien commencé dans le PC course. Tout le monde est sur le pont. Chacun y va de son appareil photo, de son micro, de son tweet et de sa story pour capter ces moments bourrés de sourires, d’au revoir, de joie, de « Profitez-en bien ! », de « Donnez tout ! », de larmes aussi, d’empressements. Autant de moments de vie qui traduisent ce que vivent les marins ce jour-là et que les community managers tentent de transmettre via les réseaux sociaux de la Transat Jacques Vabre. Alors que les uns larguent les amarres, les autres sautent dans un semi-rigide pour traverser le bassin Paul Vatine, charger les batteries de téléphones et repartir illico presto pour ne pas manquer une petite vidéo des adieux entre Clarisse Crémer et Tanguy Le Turquais sur le ponton des IMOCA.

4h se sont déroulées entre le départ du 1er Class40 et du dernier Ultime. 4h pendant lesquelles ont été publiées plus d’une cinquantaine de stories et une trentaine de tweets, en direct. Entre temps, l’un a quitté les pontons pour vite monter en hélicoptère et poster les stories suivantes depuis le ciel, survolant la ligne de départ. Les autres ont couru rejoindre le PC course, pour lancer les LIVE sur Facebook et Youtube, depuis leurs ordinateurs. Dans quelques minutes le départ sera donné. Le spectacle est magique ! Alors ceux qui n’ont pas la chance de le vivre depuis les falaises d’Étretat ou des plages du Havre, seront malgré tout impatients de l’admirer sur les réseaux sociaux. On souffle quelques minutes, vivant aussi le départ devant notre LIVE…et c’est déjà reparti, la photo emblématique de la flotte qui traverse la ligne est arrivée sur le serveur médias et il faut la partager !

Photo by Jean-Marie Liot/Alea

Les 79 bateaux sont désormais en mer, il est temps pour l’équipe de rallier Paris, les uns par le train, les autres en voiture, pour rejoindre le nouvel emplacement du PC course de la Transat Jacques Vabre, dans les locaux du Yacht Club de France.

Tout au long de leur traversée les marins nous racontent leurs journées, dans des vidéos ou des petits messages, le jour, la nuit, il n’y a pas d’heure pour nous parler. Alors l’équipe s’organise. Certains sont du matin jusqu’au milieu d’après-midi, les autres prennent la suite jusqu’au soir, et d’autres encore restent en veille la nuit. Dans les 24 premières heures de course, c’est une centaine de vidéos qui arrivent du bord des bateaux sur le serveur médias. Alors on réfléchit, comment les répartir au mieux sur les différents réseaux sociaux, le plus rapidement possible, pour ne pas perdre ces moments si précieux transmis par les marins et tout en respectant les algorithmes des plateformes digitales. On discute aussi beaucoup avec eux, via des échanges par téléphones satellitaires, tôt le matin ou en milieu de journée, et via un téléphone dédié, qui vibre plusieurs fois par minute en ce début de course : messages vocaux, selfies ou coucher de soleil…certains sont très bavards. Parfois, la conversation est interrompue parce qu’une manœuvre s’impose, un coup de molle soudain ou le surf d’une vague mal engagé. On a souvent l’impression d’y être, pourtant derrière nos ordinateurs.

Et c’est l’objectif : se calquer sur ce que les marins vivent pour pouvoir créer la proximité la plus fine entre eux et la large communauté qui les suit sur les réseaux sociaux. Alors on raconte ce que chacun nous raconte : la dernière pointe de vitesse qu’ils ont atteint, leur choix de voile, comment ils abordent la prochaine bulle météo, comment ils dorment, ce qu’ils ont mangé la veille au soir ou le matin, leurs petites habitudes etc. Jusqu’à leurs arrivées, nous participons finalement à cette course, mais d’une autre manière.

L’énergie requise pendant ces 27 jours de course est immense. Du matin au soir, l’équipe doit être concentrée uniquement sur la transmission de ce que nous racontent les duos en mer. Une disponibilité très exigeante, dans une bulle hors du temps, parfois un peu déconnectée de ce qu’il se passe autour. La tête pleine de mer et de bateaux, le décalage avec nos proches est certain, et se creuse à mesure que nous passons bien peu de temps avec eux dans ces moments-là. Au bout de quelques jours à ce rythme, la fatigue est déjà bien installée. Il faut veiller à s’économiser car la route est encore longue et les marins tout comme la communauté qui les suit sur les réseaux sociaux comptent sur notre régularité pour poursuivre cette course fabuleuse.

Photo by Fred Olivier / Sea Events

Lorsque les premiers sont annoncés non loin de la Martinique, les équipes à terre se mobilisent : une partie rejoint Fort-de-France pour préparer le dispositif qui accueillera le vainqueur et les suivants, l’autre partie de l’équipe assurant le suivi en Métropole. Les pieds à peine posés aux Antilles, encore marqué par le décalage horaire, et déjà le premier duo annoncé au large du Rocher du Diamant, à l’entrée de la Martinique. Là-bas, l’adaptation à la réalité locale doit se faire rapidement. PC course et hébergement non loin des pontons d’arrivée facilitent le travail sur place. Mais un contexte social compliqué oblige les équipes à se réunir en cellule de crise régulièrement, ajoutant un facteur anxiogène aux conditions de travail. Et cette fois-ci, il faut composer avec un effectif réduit de moitié pour les community managers. À deux, ils assureront sur les réseaux sociaux, les arrivées des 75 bateaux, 4 ayant été contraints d’abandonner : on ne compte pas moins de 5 posts et un LIVE par bateau. L’équipe restée en France prête mains fortes, se levant la nuit pour les premières arrivées.

Cette répartition du travail a permis de suivre correctement et de manière égale chacun des 79 bateaux en course, du début à la fin. Pendant près de 30 jours, les 4 community managers dédiés au suivi de cette course affronte la pénibilité d’un lourd rythme de travail mais celle-ci est souvent dépassée par la richesse de ce qui est vécu, extraordinaires moments de sport, et explosion de joie lors des retrouvailles aux pontons martiniquais. On s’embrasse, on se félicite, et on exprime sa fierté devant le beau travail accomplie, achevé malgré tout, avec l’envie de revivre cette aventure.

On peut presque le dire, la Transat Jacques Vabre est vécue tout aussi intensément en mer qu’à terre !

Jeanne Bouzereau